Les premiers travaux réalisés dans ce domaine sont l’œuvre de Chamley qui, dès 1960, a utilisé la possibilité d’obtenir le durcissement contrôlé d’un mélange [méthacrylate de méthyle (MMA)]/[poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA)], à une température très inférieure à celle généralement nécessitée par ce type de polymérisation. La polymérisation en masse du MMA, responsable du durcissement, est issue de la combinaison de 2 phénomènes complémentaires : accélération de la décomposition de l’amorceur et effet de gel.
Mécanisme de base de la prise en masse du ciment
L’accélération de la décomposition de l’amorceur est obtenue par oxydo-réduction, une réaction dont l’énergie d’activation est faible. Dans les ciments acryliques, le couple oxydo-réducteur est constitué par le mélange peroxyde de benzoyle (BPO)/diméthyl-p-toluidine (DMPT) :
À une température donnée, la vitesse de décomposition du BPO est contrôlée par la proportion de DMPT.
L’effet de gel (ou effet Tromsdorff) est un phénomène lié à la difficulté des chaînes actives portant un radical libre, à se mouvoir dans le milieu très visqueux qui résulte de la dissolution du PMMA dans le MMA. Les réactions de terminaison qui ne peuvent résulter que de la rencontre de 2 radicaux libres sont alors ralenties et la polymérisation s’accélère car le système sort de l’état quasi-stationnaire. En d’autres termes, le fort ralentissement des réactions de terminaison induit un accroissement du nombre de chaînes actives et celui de la vitesse de polymérisation laquelle peut atteindre le stade explosif.
La formulation d’un ciment doit prendre en compte ce phénomène et jouer sur les rapports [BPO]/[MMA] et [BPO]/[DMPT] pour que le processus de durcissement du mélange soit terminé dans une durée compatible avec les contraintes chirurgicales (jusqu’à 24h).
La mise en œuvre du processus consiste à mélanger – juste avant l’acte chirurgical – d’une part, le PMMA, le peroxyde de benzoyle, la charge opacifiante et les éventuels additifs solides avec, d’autre part, le MMA et la DMPT. La polymérisation démarre aussitôt, à la température ambiante ; elle se poursuit jusqu’à la prise en masse totale du système et scellement de la prothèse.
Mise en œuvre du ciment acrylique en arthroplastie
Pour la plupart des utilisations, le ciment agit par comblement des anfractuosités situées entre la prothèse et l’os ; il n’y a donc pas lieu de prévoir d’adhérence réciproque. Si nécessaire, cette adhérence peut cependant être obtenue en remplaçant une partie du MMA par du méthacrylate d’hydroxyéthyle (HEMA).
La viscosité initiale du mélange doit être adaptée au type d’utilisation du ciment : très fluides pour les vertébroplasties, ils doivent être très visqueux pour l’ancrage d’une prothèse fémorale et d’une viscosité intermédiaire pour la fixation d’une prothèse du genou.
Afin de pallier le risque d’infection durant l’acte chirurgical, les ciments sont additionnés d’antibiotiques telle la Gentamicine. L’addition d’une charge neutre comme le sulfate de baryum, joue le rôle de radio-opacifiant et permet le suivi radiographique du scellement.
L’élévation de température liée à la polymérisation en masse, provoque une nécrose des tissus en contact avec le ciment. Des tentatives ont été réalisées de diminution de l’enthalpie massique de la polymérisation ; le remplacement d’une partie du MMA par des méthacrylates d’alkyles lourds s’est révélé efficace. Cependant, à l’usage, il s’est avéré que l’élévation de température – qui paraissait être un inconvénient – aidait à la cautérisation des vaisseaux sanguins et était indispensable au bon déroulement de l’intervention.