Chimie et plastiques ont toujours eu une connotation négative. Associés à des accidents industriels ou à la pollution, il est aujourd’hui pourtant difficile de s’en passer. Omniprésente dans notre vie quotidienne (transport, textiles, appareils électroniques, BTP, emballages, …), la chimie des plastiques, ou polymères, vise également à améliorer le confort de vie des êtres humains par le développement notamment de médicaments. Toutefois son impact sur l’environnement a mené les scientifiques à changer leur manière de penser et les a conduits à concevoir la chimie d’une manière différente, pour à terme, l’adapter aux enjeux actuels que sont la préservation de l’environnement, et la préservation de la santé humaine. Samuel Dufreche ingénieur R&D chez PolymerExpert nous explique les enjeux de la chimie verte.

Les douze principes directeurs de la chimie verte

Dans une perpétuelle quête de performance, la chimie a permis à l’humanité un développement rapide et une amélioration du confort de vie. Cependant, ces avancées technologiques ont engendrés de lourds impacts sur l’environnement. En effet, en 1950, la fabrication des matières plastiques ne se préoccupait pas de la durabilité des matériaux. Ainsi en 70 ans, plus de 9 milliards de tonnes de plastiques ont été produits, et moins de 10 %  de ces derniers ont été recyclés.1 De plus le secteur de la chimie occupe aujourd’hui une place importante dans les émissions carbone mondiales, c’est donc un domaine où les actions menées peuvent engendrer des améliorations significatives à l’échelle de la planète.

Figure 1 : Projection de la part des émissions de CO2 dues à la production mondiale de plastique dans le budget maximum devant permettre
de rester en dessous de 1,5°C de hausse des températures d’ici 2050 1

C’est selon ce constat que la chimie verte a été pensée dans les années 1990. L’objectif pour les chimistes Anastas et Warner était de réduire les risques engendrés pour les usagers lors des pratiques chimiques mais aussi de réduire l’impact néfaste sur l’environnement des produits utilisés et de leurs déchets. Ils ont ainsi mis en place douze principes à respecter (Figure 2).

L’ensemble de ces principes vise à permettre le développement de l’industrie chimique tout en respectant la santé des opérateurs, assurant la qualité de l’environnement et la santé des consommateurs.

L’exemple le plus connu illustrant la « Green Chemistry » est la production d’ibuprofène. Longtemps synthétisé à partir de six étapes avec une faible utilisation atomique (les procédés de productions engendraient près de 60% de déchets), les voies de production ont donc été repensées. Ainsi, les scientifiques ont réussi à obtenir le même produit en seulement 3 étapes, avec une utilisation atomique de 77% (les 23% restant correspondent à un sous-produit qui est revalorisé par la suite). La mise en place de ce procédé vert a permis de réduire la production de déchets et les coûts énergétiques, sans amoindrir les capacités du produit initial.

Figure 2 : Les douze principes de la chimie verte
La chimie verte pour les innovations de demain

Concevoir en s’inscrivant dans le principe de chimie verte, c’est revoir et repenser sa façon de travailler, en réfléchissant à toutes les alternatives possibles, et trouver celle qui permettra d’obtenir un matériau polymère en limitant la quantité de déchets produits, les coûts énergétiques, en assurant la sécurité des consommateurs et en limitant l’impact sur l’environnement.

Une gestion minutieuse des solvants

A l’échelle même de la recherche au laboratoire, de grosses quantités de solvants sont utilisées. Une réflexion sur une meilleure gestion des solvants à employer a conduit les scientifiques à développer en 2021 un outil permettant de faciliter cette recherche de solvant vert. 2

 

Figure 3 : Localisation et score de durabilité G de plusieurs solvant dans l’espace Hansen 2

Cet outil prend en compte deux critères propres à chaque solvant :

  • une classification de sa durabilité calculée selon son impact sur la santé, les dangers qu’il peut engendrer par son utilisation, son impact sur l’environnement et la faculté à traiter les déchets qu’il engendre. L’ensemble de ces critères sont convertis en un score allant de 1 à 10 (10 étant le score optimal du solvant vert).
  • les propriétés intrinsèques du solvant: la solubilité d’un polymère dans un solvant est régie par le paramètre de solubilité selon Hildebrand qui correspond à la racine carrée de l’énergie de cohésion par unité de volume :

δ=√((〖∆H〗_V-RT)/V)

Ce paramètre peut être séparé en trois paramètres de solubilité (Hansen) : le paramètre δD prenant en compte les interactions dispersives ; δP qui regroupe les interactions polaires ; le paramètre δH qui considère les interactions hydrogène.

δ=√(δ_P^2+δ_D^2+δ_H^2 )

Selon cette loi d’Hansen, chaque liquide peut être projeté dans un espace 3D construit à partir de ces trois paramètres (Figure 3). Ainsi, si deux solvants ont une situation voisine dans cette espace, ils auront probablement la faculté à solubiliser un même solide. Lors de l’utilisation d’un solvant au laboratoire, il est donc possible de consulter les solvants alternatifs aux paramètres similaires et qui présenterait donc le même pouvoir solubilisant avec des effets moins néfastes pour l’utilisateur et pour l’environnement.2

Le recours à des ressources renouvelables et l’économie d’atome

Un des axes majeurs de la chimie verte est la substitution des produits pétrochimiques par l’utilisation de ressources renouvelables. L’enjeu est de remplacer les propriétés offertes par la pétrochimie tout en restant compétitif sur le marché et de valoriser de nouvelles propriétés qui pourraient être obtenues à partir de ressources naturelles.

En ce qui concerne la synthèse de polymère, des méthodes de polymérisations plus propres sont privilégiées pour le développement de nouveaux ingrédients ou matériaux. La polycondensation ne produit par exemple aucun déchet avec une utilisation atomique optimale puisque le seul sous-produit est l’eau.  Les polyesters sont depuis plusieurs années un grand thème de recherche en ce qui concerne le domaine des matériaux biosourcés. Leur diversité, la grande adaptabilité de leurs propriétés en font des polymères de choix pour un grand nombre d’applications. Ils sont obtenus grâce à une large palette de monomères issus de ressources végétales comme la cellulose, l’amidon, les huiles végétales ou encore la lignine. Ces matériaux polymères sont également conçus en vue de leur biodégradabilité.

La difficulté aujourd’hui pour l’industrie chimique est de substituer tous les produits pétroliers en utilisant des ressources renouvelables sans compromettre la performance afin d’inciter plus facilement le changement des habitudes consommateurs. 3

PolymerExpert, un acteur de la chimie verte et de l’écoconception

Devant l’urgence du réchauffement climatique, PolymerExpert a choisi dès 2014 de prendre part aux défis de demain et innove dans le développement de nouveaux ingrédients plus respectueux de l’environnement. L’entreprise apporte beaucoup d’importance aux principes de la chimie verte et concentre maintenant ses recherches dans le développement de matières dites éco-conçues et notamment issue de ressources naturelles durables et ayant le moins d’impact possible pour la nature.

Afin de garantir l’origine des ressources comme l’huile de palme, PolymerExpert a fait le choix de la certification. En effet, ce composé étant très prisé dans le développement d’ingrédients pour la cosmétique, il était important de garantir la provenance de cette huile et surtout recourir à des filières de palme durable. L’EstoGel® M et l’EMC 30 deux modificateurs de rhéologie à haut pourcentage de naturalité en contiennent et permettent aujourd’hui de substituer des gélifiants d’huile d’origine pétrosourcés avec des ingrédients durables.

L’EstoGel®Green, dernier né dans les modificateurs de rhéologie 100% biosourcé, reflète l’engagement de l’entreprise dans le développement d’ingrédients performant et respectueux de l’environnement. En effet, ce gélifiant huileux d’origine 100% naturelle a été conçu dans le prisme de la chimie verte. Certifié COSMOS, l’EstoGel®Green est fabriqué en France avec des procédés de production respectueux de l‘environnement et de la santé humaine, ainsi qu’une utilisation responsable des ressources renouvelables. Ces innovations de demain visent également à protéger les sols et les océans, en introduisant pas de fragments microplastiques dans la faune, la flore et les organismes et en axant son développement sur les matériaux 100% biodégradables.

Concevoir la chimie de façon verte c’est également travailler en réduisant au maximum la quantité d’énergie utilisée. Ainsi, PolymerExpert multiplie ses actions « Low Carbon» en réalisant régulièrement des bilans carbones et en définissant au mieux les actions à développer pour limiter son impact sur l’environnement.

Bibliographie 
(1)	Fuhr, L. Atlas du Plastique, faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques. Heinrich-Böll-Stiftung. https://fr.boell.org/fr/atlas-du-plastique (accessed 2022-11-25).
(2)	Larsen, C.; Lundberg, P.; Tang, S.; Ràfols-Ribé, J.; Sandström, A.; Mattias Lindh, E.; Wang, J.; Edman, L. A Tool for Identifying Green Solvents for Printed Electronics. Nat. Commun. 2021, 12 (1), 4510. https://doi.org/10.1038/s41467-021-24761-x.
(3)	Zhang, Q.; Song, M.; Xu, Y.; Wang, W.; Wang, Z.; Zhang, L. Bio-Based Polyesters: Recent Progress and Future Prospects. Prog. Polym. Sci. 2021, 120, 101430. https://doi.org/10.1016/j.progpolymsci.2021.101430.