La mémoire de forme des polymères est une propriété qui permet à un objet déformé au moyen d’une contrainte physique, de retrouver sa forme initiale sous l’effet d’une autre contrainte. Le plus communément, la contrainte initiale est d’ordre mécanique et appliquée à température supérieure à l’ambiante, alors que le retour à la forme initiale est obtenu par chauffage. Seul ce type de mémoire de forme sera traité ci-après.
Cette propriété est intrinsèque à la nature macromoléculaire des polymères et peut être partielle ou totale selon la topologie du polymère constitutif de l’objet considéré.
Dans le cas le plus courant qui est celui de la déformation initiale de l’objet sous les effets conjugués de la température et d’une contrainte mécanique, le phénomène peut être interprété au moyen d’un ensemble de théories plus ou moins sophistiquées.
La plasticité des matériaux polymères est leur capacité à se déformer irréversiblement sous l’effet d’une contrainte mécanique. La déformation résulte du mouvement (reptation selon la théorie de Gennes) de segments de chaîne qui vont progressivement se désenchevêtrer et s’aligner dans la direction de la contrainte, après ruptures et rétablissements successifs des interactions moléculaires. La mobilité de ces segments implique l’existence, au sein du matériau, d’espaces exempts de matière, qu’on appelle volume libre. Selon la théorie correspondante, la fraction de volume libre permettant le mouvement des segments est de 0,025. En-deçà de cette valeur, les chaînes du polymère sont figées dans leur conformation et le matériau est dans l’état vitreux, rigide. Au-delà, le volume libre permet la mobilité des segments de chaîne et le matériau est plastique. La température à partir de laquelle le matériau est déformable est la température de transition vitreuse (Tg). Sous l’effet de l’élévation de température le matériau se dilate ce qui correspond à une augmentation du volume libre et donc à un accroissement de la mobilité des chaînes.
Schéma de l’étirement des chaînes sous l’effet d’une contrainte mécanique.
Remarque 1 : la température de transition vitreuse (Tg) n’a pas une valeur bien définie car elle dépend de la vitesse à laquelle la contrainte mécanique est appliquée. Si la vitesse d’application de la contrainte est rapide, le désenchevêtrement des chaînes n’a pas le temps de se réaliser et il y a rupture de l’échantillon. Si la contrainte est appliquée lentement, le désenchevêtrement a le temps de s’effectuer et l’échantillon se déforme ; il est dans l’état plastique.
Remarque 2 : Le phénomène de mémoire de forme partielle, utilise la non-instantanéité du désenchevêtrement : si la contrainte appliquée est relâchée au bout d’un temps très court, les chaînes tendent à reprendre leur conformation d’entropie maximale, et l’échantillon retrouve sa forme initiale. Ainsi, selon la durée de la contrainte, la mémoire de forme est plus ou moins bonne.
La mémoire de forme totale utilise la capacité à déformer un échantillon au-dessus de sa (Tg) et, en le refroidissant en-dessous de sa (Tg) sans donner le temps aux chaînes de reprendre leur conformation d’entropie maximale (Remarque 2), de figer leur conformation contrainte. L’échantillon traité ne retrouve sa forme initiale qu’après un réchauffement au-dessus de la température de transition vitreuse qui permet aux chaînes de retrouver leur conformation d’entropie maximale.
Cependant, avec les polymères monodimensionnels qui sont doués de plasticité, la mémoire n’est pas parfaite car, aussi rapide que soit le blocage de conformation contrainte, quelques segments de chaîne réussissent à accroître leur entropie en se rétractant. La perfection ne peut être obtenue qu’avec les polymères tridimensionnels. Dans ce cas, l’échantillon n’est constitué que par une seule macromolécule et le déplacement relatif des chaînes n’a pas lieu d’être considéré. Un exemple de cette situation est donné par un élastomère (Tg ~ -80°C) vulcanisé (tridimensionnel), plongé dans l’azote liquide (-180 °C) après déformation, et qui retrouve sa forme initiale parfaite au réchauffement.
Pour résumer, la mémoire de forme des polymères résulte de l’aptitude des chaînes constitutives à retrouver leur conformation d’entropie maximale.
Ne sont considérés ici que les matériaux devant être utilisés au voisinage de la température ambiante ou encore, à la température du corps humain pour les applications en génie biomédical.
Polymères vitreux monodimensionnels
Les polymères dans l’état vitreux sont totalement amorphes et leurs propriétés mécaniques sont déterminées par l’écart entre la température d’utilisation (blocage ou libération de la forme) et la température de transition vitreuse. La température de transition vitreuse peut être ajustée au moyen de plastifiants ; leur proportion dans le matériau est ajustée à la valeur de Tg souhaitée. La mise en forme contrainte est réalisée à une température légèrement supérieure à Tg puis refroidis brusquement pour bloquer les conformations. Pour ce type de polymères, la qualité de la mémoire est très dépendante de la masse molaire dont les valeurs parfois souhaitables sont de l’ordre ou supérieures à 106 g/mole.
Pour les applications en génie biomédical, la valeur de Tg doit être légèrement inférieure à la température du corps humain, soit ~35 °C.
Polymères semi-cristallins monodimensionnels
Pour ce type de polymères, se sont en général les zones cristallines (cristallites) qui assurent l’essentiel de la cohésion du système. La mise en forme contrainte et la libération de forme nécessitent donc de porter l’échantillon au-dessus de la température de fusion des cristallites. Cette température est très supérieure à Tg et il est très difficile de bloquer les conformations avant refroidissement total. C’est le cas du polyéthylène pour lequel il est souhaitable de procéder à une réticulation après mise en forme contrainte (voir ci-dessous).
Polymères tridimensionnels
En raison de leur topologie, tous les polymères tridimensionnels possèdent la mémoire de forme à toutes les températures. Ils présentent, pour être utilisables sous 2 formes à une température donnée, les mêmes contraintes que les monodimensionnels à l’égard de Tg et donnent lieu à une récupération totale de la forme relaxée. Cependant, pour être à même de se déformer lors de la mise en forme contrainte, ils doivent posséder une masse molaire entre nœuds du réseau, suffisamment élevée.
La réticulation peut résulter de la valence moyenne du mélange réactionnel au moment de la polymérisation, ou bien d’une réticulation du matériau contraint par voie physique ou chimique. Par exemple, la diminution de diamètre par chauffage d’un tuyau de polyéthylène peut être obtenue par irradiation γ préalable de ce même tuyau dilaté au-dessus de sa température de fusion.
Les applications de ces polymères à mémoire de forme sont déjà nombreuses mais de nouvelles ne demandent qu’à être découvertes.
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